Ça ne vous a certainement pas échappé : le miellat est un terme que l’on retrouve souvent lorsque l’on traite d’apiculture et de produits de la ruche. À chaque fois que l’on passe en revue l’immense diversité de miels français, on note une distinction entre le miel de nectar, appelé aussi miel de fleurs, et le miel de miellat. Focus sur cette substance surprenante, bien plus qu’il n’y paraît !

Le miellat, c’est quoi exactement ?

Au risque de révéler d’entrée de jeu une vérité peu ragoûtante, le miellat, c’est l’excrément de certains insectes piqueurs suceurs. Voilà qui est dit ! Mais écartons tout de suite un doute : c’est la plante dont ils se nourrissent qu’ils piquent pour en absorber le fluide et non pas les hommes ! Avant de se jeter sur l’idée que cette substance puisse être impropre à la consommation humaine, sachez qu’elle est simplement composée de 95 % de sucre et d’un peu d’acides aminés. Rien de bien rédhibitoire, somme toute !

Le processus de production du miellat

Cochenilles, pucerons et hémiptères divers se nourrissent de la sève élaborée ou sève descendante, c’est-à-dire présente dans les feuilles plutôt que dans les racines. Cette ressource végétale issue de certains arbres est riche en glucides (principalement le saccharose, le sorbitol et le mannitol).

Le miellat, c’est ce qui est rejeté par ces insectes sueurs de sève sous forme de gouttelettes et n’est donc pas assimilé lors de leur processus digestif. En vérité, il ne fait que transiter par le corps de la petite bête et ne subit pas ou peu de transformations.

En effet, pour obtenir ses nutriments vitaux, l’insecte est contraint d’ingurgiter d’énormes quantités de sève, proportionnellement à sa taille. Il est donc dans l’obligation de rejeter rapidement tout ce qui ne lui profite pas afin de faire de la place pour la suite de ses recherches alimentaires visant à couvrir ses besoins nutritionnels.

Où se trouve le miellat ?

Les traces de miellat laissées sur le passage des pucerons, cochenilles et autres se retrouvent sur les feuilles, les brindilles, les troncs, le sol, mais aussi sur les voitures, les constructions et autres mobiliers urbains.

Vous en avez certainement déjà croisé : il s’agit de ces minuscules gouttes gluantes particulièrement visibles sur les vitres et qui se dissolvent au contact de l’eau. De nombreux insectes recueillent ce miellat bien plus gourmand qu’appétissant et parmi eux, les amies de l’apiculteur : les abeilles.

Le miel de miellat

Nous avons tous en tête l’image de l’abeille butineuse qui récolte le délicat nectar végétal sur les pistils parfumés lors de la floraison de printemps et d’été pour aller le transformer en miel à la ruche.

Pourtant, ce n’est pas la seule façon de faire du miel.

Les avantages du miel de miellat

Les apiculteurs français produisent du miel de miellat d’exception que le monde nous envie. Demandez donc à nos voisins allemands ou britanniques : ils se délectent des miels de miellats appelés “honeydew honey” en anglais.

Il faut bien reconnaître que, même si l’image de cette matière première n’est pas la plus glamour, il n’en reste pas moins que les bienfaits du miel de miellat sont supérieurs à ceux du miel de fleurs à la fois d’un point de vue nutritionnel (ils contiendraient plus d’antioxydants et de minéraux que les miels “classiques” dont la composition est détaillée ici), mais aussi d’un point de vue gustatif puisque le goût est plus intense et boisé. C’est définitivement un produit de connaisseur, mais aussi celui qui remporte les suffrages chez les consommateurs qui apprécient peu la cristallisation du miel.

Les principaux miels de miellats français

Le miel de miellat le plus connu en France est sans doute le Miel de Sapin des Vosges AOP (Appellation d’Origine Protégée) que nous produisons dans notre rucher et dont nous sommes très fiers.

Il possède une couleur ambrée ou brunâtre soutenue et un goût malté rond et moins sucré que d’autres produits de la ruche (comme les miels d’acacia ou les miels polyfloraux, par exemple).

Citons également le célèbre miel du maquis corse qui se compose de deux types de miellats :

• – celui récolté au printemps sur les cistes, chênes, eucalyptus, myrtes et autres ;
• – celui recueilli en été, suite au passage d’un insecte bien particulier, la metcalfa pruinosa.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les miels sont toujours nommés en fonction de l’origine botanique du miellat dont ils sont issus (pin, chêne, sapin, érable, etc.), excepté pour le miel de metcalfa pruinosa. La cicadelle blanche ou cicadelle pruineuse (l’autre nom de la metcalfa) est en effet le seul insecte producteur de miellat qui a donné son nom à un produit de la ruche.

Ce type de miellat se caractérise par une texture plus visqueuse et une teinte bien plus foncée que les autres. L’insecte originaire d’Amérique a colonisé le pourtour méditerranéen. Le miel de metcalfa est rare et donc très prisé des amateurs les plus chevronnés.

Il existe aussi des miels qui sont issus d’un mélange entre le miellat et le nectar des fleurs, parmi lesquels nous pouvons citer le miel de montagne, le miel de forêt ou encore le miel de tilleul ou de châtaignier, par exemple.

Il existe une multitude de facteurs (surtout liés aux conditions climatiques) qui influent sur la production de miel de miellat. C’est pourquoi sa présence sur le marché est très aléatoire et que son prix d’achat est légèrement plus élevé que d’autres miels de France.

Usages divers du miellat

Le miellat n’est pas seulement utile aux abeilles butineuses. Il joue un rôle à plusieurs niveaux de la chaîne alimentaire.

Une source alimentaire quasiment intarissable pour de nombreux insectes

Certains papillons, les blattes et les fourmis raffolent de miellat. D’ailleurs, ces dernières n’hésitent pas à élever leurs propres colonies de pucerons dont elles prennent le plus grand soin pour bénéficier de leurs productions sucrées.

C’est ainsi qu’il existe une sorte d’échange de bons procédés entre les deux espèces. Les fourmis protègent les pucerons contre les prédateurs, mais aussi les autres menaces telles que la prolifération d’un champignon (la fumagine) qui se développe volontiers au contact du miellat.

En contrepartie, les fourmis bénéficient d’un garde-manger sur pattes ! Il ne s’agit donc pas d’exploitation animale par l’animal, ce qui devrait rassurer les végétaliens qui se demandent encore s’ils peuvent consommer du miel, sujet sur lequel nous nous sommes exprimés ici.

Du miellat pour l’homme

L’homme peut tout à fait se nourrir de miellat sans avoir à attendre l’intervention intermédiaire des abeilles.

Il est parfaitement possible de lécher une feuille pleine de miellat ou de la tremper dans de l’eau pour en dissoudre le sucre.

On peut également en faire une boisson légèrement alcoolisée, la frênette ou cidre de frêne. Ce breuvage est fait à base de feuilles de frêne (un arbre réputé pour fournir du miellat en abondance) et du miellat qui s’y trouve, que l’on fait fermenter.

Par contre, il existe une catégorie d’homme dont le miellat est un vrai cauchemar : les jardiniers. Ce champignon que nous avons évoqué pour haut, la fumagine, recouvre les feuilles d’une couche noire qui empêche la photosynthèse des végétaux.

Pour enrayer le phénomène, l’action à mener se situe au niveau de la présence des pucerons. L’introduction de coccinelles dans l’environnement proche ou encore la pulvérisation d’eau mélangée à du savon noir semblent porter leurs fruits en la matière.

S’il est vrai que le nom de miellat peut prêter à confusion, c’est une substance qui est, à la base, totalement à part du monde apicole. Il est curieux de noter que cette appellation a finalement fait un chemin en sens inverse en désignant la matière première à partir du produit fini, en l’occurrence, le miel.

Quoi qu’il en soit, les miels de miellat sont de véritables trésors gustatifs dont les bienfaits en apithérapie semblent encore plus puissants que ceux des miels de fleurs.

Ne vous laissez pas décourager par son processus de fabrication si singulier et offrez-vous au moins une dégustation pour laisser une chance à ce don merveilleux des abeilles. Nous sommes certains que vous en serez agréablement surpris !