L’année 2020 marquera certainement durablement les mémoires. Sur fond de pandémie de coronavirus, le printemps aura démarré dans un monde étrange dans lequel l’homme est confiné. Une chose est sûre, la nature a su tirer parti de la situation et les abeilles n’ont pas chômé !

L’apiculture en France aborde la belle saison avec des productions records de produits de la ruche : miel, pollen, gelée royale, cire d’abeille et propolis se récoltent en abondance.

Le Covid-19 est-il responsable de ce revirement soudain d’une situation qui préoccupait les apiculteurs depuis plusieurs années ?

2020 est-elle une année exceptionnelle pour l’apiculture française ? A-t-on une chance que la tendance au déclin des abeilles observée depuis 30 ans s’inverse pour de bon ? Tentons d’analyser les faits.

Le confinement 2020 et ses conséquences positives sur les abeilles

Printemps paisible, météo favorable, nature épanouie

Les Français sont restés enfermés chez eux entre la mi-mars et la mi-mai, soit pile à la transition entre la fin de l’hiver et le début du printemps.

Résultat, les jardins n’ont pas été tondus, les pesticides n’ont pas été déversés dans la même mesure que d’habitude dans les champs, les prairies et sentiers forestiers n’ont pas été foulés du pied humain et les machines de toutes sortes n’ont pas dérangé la renaissance annuelle de Dame Nature.

Mais surtout, les avions n’ont presque plus volé, n’affectant plus le sens de l’orientation des abeilles qui souffrent habituellement des traînées humides importantes laissées dans l’atmosphère, comme expliqué dans cette vidéo :

C’est donc dans une quiétude quasi parfaite que la faune et la flore ont pu s’épanouir à la douceur du soleil printanier, comme ça ne s’était probablement plus produit depuis des décennies.

Ajoutez à cela des conditions météorologiques particulièrement favorables et voici que les abeilles butineuses ont tout ce qu’il leur faut pour s’en donner à cœur joie : des fleurs mellifères en abondance et du miellat à foison.

Homme confiné, abeille exaltée, apiculteur débordé

Quand les hommes sont confinés, les abeilles dansent ! Enfin, en vérité, elles ont surtout travaillé à plein régime. Si bien que les apiculteurs, un peu partout en France, se sont retrouvés avec des quantités de miel environ deux fois supérieures aux années précédentes.

Ils ont donc dû se mettre au diapason de l’activité de leurs ruchers pour pouvoir suivre la cadence. En effet, nous vous avions déjà parlé ici du processus de la récolte du miel qui demande beaucoup d’efforts, de patience et de savoir-faire de la part de l’apiculteur ou de l’apicultrice.

La bonne nouvelle, c’est que cette production record devrait compenser le ralentissement de l’activité de vente du miel et autres produits de la ruche. La crise du coronavirus avait malheureusement suspendu certains canaux de vente des professionnels de l’apiculture française et leur chiffre d’affaires en a lourdement pâti.

Même si le miel et d’autres productions des abeilles ont une durée de vie qui se compte en années, il va cependant falloir écouler suffisamment de stocks pour retrouver rapidement un équilibre financier. Toutefois, cela devrait être possible, sachant que l'inquiétant phénomène d’effondrement des colonies d’abeilles rendait les productions apicoles de plus en plus rares.

Ceci obligeait une partie des consommateurs à se rabattre sur des productions apicoles importées et souvent coupées avec des sucres industriels comme expliqué ici.

Rappelons que la législation sur les miels français garantit leur composition 100 % naturelle, ce qui n’est malheureusement pas le cas partout.

À quoi l’apiculture française peut-elle s’attendre avec l’après-confinement 2020 ?

La menace des pesticides réduite durablement ?

La reprise d’activité humaine après deux mois de confinement s’inscrit-elle dans une logique de “rattraper le temps perdu” ? Ce ne sera probablement pas possible à réaliser entièrement et, pour certains secteurs, c’est tant mieux. Les traitements agricoles polluants qui, d’ordinaire, perturbent la floraison, ont laissé la place à une végétation exceptionnelle au printemps.

C’est comme si la nature s’était en partie régénérée et cela se voit ! Quant aux néonicotinoïdes, ces pesticides réputés pour altérer les fonctions cognitives des abeilles et augmenter leur taux de mortalité, ils ont été interdits en Europe en avril 2018.

Peut-être que l’association de ces deux facteurs en faveur de la survie de l’espèce permettra un développement pérenne des colonies d’abeilles et de leurs reines ?

C’est souhaitable pour tout notre écosystème puisque sans insectes pollinisateurs, moins de pollinisation. Cela tombe sous le sens, mais surtout, la disparition de l’espèce représenterait une perte de 75 % de l’agriculture mondiale, rien que ça !

Seulement voilà, en plein confinement de crise du Covid-19, le gouvernement avait décidé d’assouplir les règles d’épandage de l’agriculture. Il incitait à réduire les distances limites entre les zones de déversement de produits agricoles et les habitations.

Les associations de protection de l’environnement ont immédiatement réagi et ont finalement amené les élus à revenir sur leur décision comme rapporté ici, offrant un précieux sursis à la faune et à la flore.

Reste à savoir si cette décision est définitive et si la politique environnementale et agricole va pencher en faveur de la nature sur un plus long terme.

La météo de 2020 restera-t-elle favorable à la production de miel ?

Une chose est sûre : la production record des ruches au printemps 2020 a permis aux abeilles de se faire des réserves largement suffisantes pour l’hiver. L’hiver pluvieux et les températures douces du début de printemps ont même avancé certaines récoltes de miel de 2 ou 3 semaines.

Toutefois, les apiculteurs le savent bien : le moindre caprice météorologique pourrait perturber la production de leurs petites protégées. Les conditions climatiques instables depuis de nombreuses années ne permettent pas de parier sur un été favorable.

L’un des scénarios les plus redoutés de la saison estivale est d’ailleurs la canicule. C’est une possibilité tout à fait envisageable, sachant que Météo France a confirmé que le premier trimestre 2020 avait enregistré les températures les plus chaudes jamais enregistrées dans la métropole.

En 2020, le phénomène du réchauffement climatique est donc à la fois une aubaine au printemps et à la fois une réelle menace pour l’été. En effet, les abeilles sont incapables de butiner lorsqu’il fait trop chaud.

De plus, la sécheresse qui va de pair détruit les sources de nectar que les butineuses doivent récolter pour assurer la survie de leur essaim.

En résumé, rien n’est gagné et s’il faut savoir profiter des dons de la nature lorsqu’ils se présentent, il vaut mieux ne pas compter sur une perpétuation de phénomènes si complexes et dépendant de tant de facteurs.

L’année 2020 aura certainement une place spéciale dans les souvenirs de chacun. Le confinement en période d’épidémie du coronavirus aura amené la plupart des gens à une révision totale de nos modes de vie.

Nos choix de consommation se tournent encore plus vers une attitude plus responsable et respectueuse de la nature, privilégiant les circuits courts et autres productions locales.

Les apiculteurs pourraient ainsi parvenir à une valorisation de leur métier passionnant, mais si exigeant, et les abeilles pourraient enfin sortir de la menace d’extinction proclamée en 2019, en même temps que leur statut d’”animal vivant le plus important de la planète”.

Tout ceci à condition que les lois en faveur de la protection de la nature continuent sur leur lancée et ne fassent surtout pas machine arrière.

En attendant que l’avenir nous en dise plus, faites le plein de miel du cru 2020 à retrouver dans notre boutique, il risque bien d’avoir une saveur exacerbée par cette année d’exception.